S. B. POUCHKOVA, Docteur de Sciences du langage
svetlanapouchkova@yahoo.fr (France, Strasbourg, Université de Strasbourg)
EXPÉRIMENTATION SUR LE TERRAIN DANS LE CADRE DE L'ENSEIGNEMENT DE FRANÇAIS LANGUE D'INSERTION
La langue construit et définit la manière de raisonner des populations et la vision qu’elles portent sur le monde. La connaissance et l’usage de la langue du « pays d’adoption » représente le facteur le plus important de l’intégration du public étranger. Cela permet une vie sociale normale. La langue est aussi indissociable de la culture et elle seule « ouvre la porte » au sens des valeurs difficilement transmissibles dans leurs langues d’origine.
La situation actuelle en France est assez paradoxale. Alors que l’enseignement et l’apprentissage du français sont très prisés et prestigieux dans le monde, un certain nombre non négligeable du public étranger résidant en France ne le parle pas ou le parle mal. C’est dans ce cadre que le concept de Français Langue d’Intégration » a fait son apparition sur le terrain d’apprentissage. Il répond ainsi à la demande de formation en langue française des adultes immigrés non francophones. Il a pour l’objectif un usage quotidien du français et l’apprentissage des connaissances nécessaires pour une bonne insertion dans la société française.
Contrairement au FLE, le FLI n’est pas une langue des étudiants ou ceux qui voudraient l’apprendre comme une langue seconde ou troisième. Le concept de « Français Langue d’Intégration » (FLI) a été proposé par la Délégation générale à la langue française et aux langues de France et de la Direction d’accueil, de l’intégration et de la citoyenneté. Il a été élaboré par un groupe d’experts. Il est en train de se mettre en pratique dans des organismes de formation et enseigné dans des masters spécialisés.
REPRESENTATION DU METIER DE FORMATEUR FLI.
Contrairement à un autre formateur le travail du formateur FLI est basé sur les critères suivants :
Le formateur FLI est censé connaître le public migrant et aider et faciliter leur intégration. Il les accueille et les accompagne à partir de la première journée de la formation afin que les stagiaires en tant acteurs sociaux participent activement dans un nouveau cadre de vie (domaine social, culturel, professionnel ou l’éducation de ses enfants).
Le formateur FLI doit posséder une grande connaissance des publics migrants et de leur hétérogénéité. Il est censé donner des cours de français en contexte d’immersion et en milieu homoglotte en visant toujours le fonctionnement de société de la langue cible. Le formateur FLI construit un travail collaboratif aves les apprenants afin de développer leurs compétences communicatives. Il aide les stagiaires à se repérer dans l’écrit, dans l’espace et dans le temps, dans l’univers des nombres et dans le monde des outils informatiques pour rendre les stagiaires autonomes dans leurs démarches de la vie quotidienne. Il apprend à apprendre les personnes qui n’ont jamais été scolarisées dans leurs pays d’origine.
Le formateur FLI doit s’adapter à des différentes situations formatives et conditions d’enseignement/apprentissage : entrées et sorties permanentes, publics variés, leur hétérogénéité. Il est à la fois accompagnateur et passeur de savoirs, savoir-faire, savoir-être, médiateur, évaluateur etc. I l devrait travailler en partenariat avec le milieu associatif, professionnels de l’insertion et de l’emploi etc.
Le formateur FLI est d’abord un formateur d’adultes. Il doit analyser et prendre en compte les caractéristiques du public : (parcours, profils d’apprentissage, compétences acquises, besoins et attentes) afin de déterminer avec eux les objectifs et les contenus de la formation. Il doit toujours s’interroger sur le sens de ce qui est fait, pour qui et pourquoi et réfléchir aux personnes dans leur environnement, les situer dans leur globalité mais aussi en fonction du contexte d’usage externe de la langue (domaine personnel, familial, public, professionnel, éducationnel). Il devrait favoriser la responsabilité et la participation active.
Le formateur FLI est un spécialiste de l’enseignement/apprentissage des langues et cultures étrangères et du français en particulier. Il s’agit de développer les compétences communicatives chez les apprenants afin de comprendre et d’interagir dans des contextes variés, allant d’une situation familière et prévisible à celles qui le sont moins à travers les formes sociolinguistiques à reconnaître et à produire par le canal verbal mais également kinésique (mimiques faciales, gestes).
Le formateur FLI donne des pistes sociolinguistiques (tutoiement/vouvoiement, règles de politesse, marques d’adresse etc.) et pragmatiques (que dire ? que faire ? au travail, dans la rue, dans les administrations, les commerces, à l’école etc.) de la langue du pays d’accueil. La langue orale est appelée à être intériorisée afin de favoriser l’autonomie de la personne.
Le formateur FLI inclut dans son travail la compréhension des principes fondamentaux qui posent la base de la vie en société française et qui se réalise dans un processus évolutif tout au long de l’intégration. Il s’agit de l’emploi de la langue selon l’usage, des codes sociaux et culturels de la société française ainsi que les principes fondamentaux de la République : la liberté et la responsabilité, les modes de fonctionnement de la société démocratique, les règles de la justice, des droits et des devoirs, le respect des opinions et de la laïcité, la lutte cotre la discrimination, la loi (l’égalité devant la loi, l’égalité hommes/ femmes, le respect de la loi etc.). Il aide à apprendre à connaître les institutions et les services publics de proximité mairie, préfecture, caf, pôle emploi etc.), et à s’approprier les règles du « vivre ensemble », de la sociabilité.
Le formateur FLI travaille sur la remise en cause de stéréotypes chez les stagiaires et par conséquent s’appuie sur une approche inter et transculturelle. Cela aiderait à développer l’esprit critique chez l’apprenant. Il s’intéresse également aux avancées de la recherche et à la formation continue afin d’améliorer ses connaissances et de développer ses compétences et de les à son objectif d’intégration des publics migrants.
Le formateur FLI pratique l’évaluation qui se fait en concertation avec les apprenants : la conception de supports d’évaluation des acquis, réajustement éventuel des démarches et outils en fonction des objectifs et des besoins.
Le formateur FLI applique en pratique le suivi des stagiaires pendant la période d’apprentissage. Il est favorable aux relations entre les apprenants et les réseaux partenaires et travaille sur la motivation, la redynamisation. Il prend en compte l’environnement de chacun, gère et fournit un soutien à l’intégration dans la limite de son rôle de formateur.
CHOIX DE SITUATION FORMATIVE.
Je travaille en tant que formatrice de FLE à l’ANEF depuis 2004. Aujourd’hui je vous présente un de mes deux groupes de Colmar. Il se compose du publics CAI et H/CAI financés par l’OFII et en partie par le fonds européen d’intégration.
DESCRIPTION DES APPRENANTS –TYPES.
Nos sujets sont des adultes étrangers de 18 à 53 ans, récemment ou non, immigrés en France et qui sont obligés d’entrer rapidement dans le bain de langue/ culture en milieu endolingue. Il s’agit de :
1° Personnes qui ont demandé de l’asile sur le territoire français et qui ont obtenu le statut du réfugié politique. Ce sont des personnes qui ont fuit la guerre, des conflits militaires, des répressions politiques etc.
2° Personnes mariées avec des Français (Françaises) ou des résidents étrangers installés en France.
3° Personnes malades ou handicapées qui ne peuvent pas être soignées dans leurs pays d’origine.
4° Personnes venues en France par le regroupement familial afin de rejoindre leurs familles : leurs conjoints ou leurs enfants respectifs.
Ce sont des personnes d’origines turque, magrébine, chinoise, ex-yougoslave, des apprenants russophones et lusophones. Langues parlées : turque, kurde, russe, ukrainien, espagnol, chinois, albanais, serbe et bosniaque.
Niveau de scolarité : le groupe dont je vous parle se compose de 20 de personnes, toutes scolarisées dans leurs pays d’origine: 8 ont un niveau collège, 5 ont été au lycée et 5 ont le bac +5 et 2 bac +5 et plus.
Niveau de français : en raison des entrées et des sorties permanentes sur le site de Colmar dans ce groupe il y a des personnes CAI, orientées par l’OFII et ayant pour l’objectif DELF A1 (ce sont plutôt des apprenants qui ont déjà fait la moitié de leur parcours). Le reste du groupe sont des apprenants H/CAI (ceux qui ont fait des démarches personnelles et été orientées vers nous par le pôle emploi, la Mission Locale ou autres. En général, leur objectif est le DELF A1. Egalement il y a ceux qui ont voulu continuer après leur première formation en tant que bénéficiaires de CAI et ayant maintenant l’objectif DELF A2.
Temps disponible à consacrer à cet apprentissage : le parcours CAI DELF A1 est de 200 heures. Celui du DELF A2 est de 220 heures. Les cours ont lieu 4 fois par semaines les lundis, les mardis, les jeudis et les vendredis de 14h de 17 /30.
Arrivés en France, les étrangers sont contraints de maîtriser deux ou à plusieurs langues, et avoir aussi des contacts avec des cultures différentes. Bref, nous partons, donc, du principe que l’acquisition des connaissances culturelles fait partie intégrante d’une vraie compétence de communication. Du coup, cela oblige à une modification de la vision de la culture personnelle de l’apprenant qui doit élargir sa vision du monde, enrichir sa capacité d’agir, accroître le cercle des personnes natives avec lesquelles il échange à l’aise comme au début de son intégration. Tout ceci devant être maîtriser tout en conservant intactes ses croyances, ses attitudes et ses valeurs.
Bien sûr, il ne s’agit pas de présenter des phénomènes culturels les uns à la suite des autres et de les faire apprendre comme telles, sans plus de précautions. Cette approche encyclopédique ne va pas satisfaire les attentes. Par contre, selon H. HOLEC, il leur faut « apprendre les mille et une manières de table, les mille et une habitudes posturales, les mille et un gestes sémantiquement adaptés, les mille et une manières de vivre » pour se sentir bien à l’aise et être des partenaires égaux lors de la communication avec les gens ayant une autre culture et un autre comportement que les leurs. [H. HOLEC, 1988 :64].
D’autre part, nous sommes d’accord avec l’affirmation de STERN, qui soutient que « … la culture doit constituer une introduction au contexte socio- culturel de la langue elle- même » [STERN, 1983 :56]. Il est vrai qu’au début les étrangers demeurent un peu comme de simples observateurs de cette nouvelle culture. Il leur est exigé de réaliser et de savoir interpréter les relations sociales et les institutions. Leur objectif est d’acquérir une certaine habilité culturelle qui leur permettra de savoir se comporter comme il convient lorsqu’ils commandent un repas au restaurant ou lorsqu’ils se retrouvent dans les lieux publics, etc. Le niveau chaque fois attendu étant l’acquisition d’une compétence acceptable de compréhension et de justes discriminations culturelles. Chaque jour, passé en France place, il est vrai, les étrangers dans des situations quotidiennes qu’ils devraient pouvoir interpréter et au cours desquelles ils sont obligés de comprendre les comportements de membres de la communauté culturelle concernée. Des situations où ils sont sensés se comporter conformément aux règles sociales dans des interactions diverses.
Domaines de communication : des activités, étroitement liées à la vie quotidienne, en particulier : comprendre une annonce publique, une indication simple, des instructions simples ou comprendre une information chiffrée, l’heure. La compréhension de ces informations assez simple de premier regard, pourrait poser beaucoup de problèmes pour le public récemment installé en France. Les documents utilisés pour l’épreuve par les auteurs sont des enregistrements d’annonces publiques (horaires, départ, arrivées, des instructions prévisibles, données chiffrées,…). Les supports sont extraits des domaines de communication suivants :
-domaine public (gare, aéroport, métro, rue, commerces, musée, théâtre, administrations, etc.)
-domaine personnel (conversations familiales et amicales avec des instructions et des informations simples ou chiffrées –code de la porte, date d’anniversaire, numéro de téléphone, etc.)
-domaine professionnel (échanges formels, messages sur le répondeur)
-domaine éducationnel (consignes pédagogiques).
Il nous paraît très important de travailler en amont les situations de communication de la vie quotidienne. On est d’accord avec les auteurs de cette méthode que l’objectif de toute formation en français est de permettre aux apprenants de communiquer dans leur vie quotidienne, dans toutes les situations auxquelles ils peuvent être confrontés. Il est nécessaire de mettre en place une progression thématique en partant de la personne, son identité, etc., pour aller vers les sphères extérieures de vie (l’administration, les achats, l’éducation, le travail, la santé, les transports, les loisirs…).
Ainsi donc, comme le soulignent les auteurs de cette méthode « il faut faire des points réguliers sur les attitudes, faits de langue et autres, dont la compréhension ne peut se faire sans la connaissance des « habitudes », de la culture et de l’histoire des Français (par exemple, l’importance de regarder son interlocuteur dans les yeux, quel que soit le statut de celui-ci ou le vouvoyer ou le tutoyer, lui faire la bise ou non). Il faudra donc toujours garder à l’esprit qu’il n’existe aucune évidence pour celui qui apprend une nouvelle langue.
On voudrait présenter et essayer d’expliquer quelques situations de communications rencontrées portées sur les implicites dans le comportement des autochtones que les apprenants étrangers doivent s’approprier pour réussir leur intégration :
Acheter, se nourrir, se loger, prendre rdv chez le docteur, au cabinet médical, une réservation de taxi, une inscription en bibliothèque (pour le stagiaire lui-même ou pour ses enfants), à la banque, se faire face à une grève de train, le congé de maternité, les services à la personne, dans une agence d’intérim, au pôle –emploi, un entretien d’embauche, à la sécurité sociale, à la poste, un coup de fil à l’agence immobilière, la visite de l’appartement, quelques problèmes domestiques et leur résolutions, etc…
Compréhension Orale :
Ex. Associer un message entendu à une image :
-comprendre une annonce publique
1. -Le train n° 60204 à destination de Marseille va partir. Prenez garde à la fermeture automatique des portes.
Il n’est pas évident de savoir que les portes des trains en France se ferment automatiquement. Ce n’est pas le cas de tous les pays. Ainsi donc, pour ne pas rester piéger à l’intérieur ou à l’extérieur du train, il vaut mieux s’approprier cette habitude.
2. -Aujourd’hui, moins quinze pour cent sur tous les articles marqués d’un point rouge.
La période des soldes est une période propice au shopping ! Pourtant, ce phénomène n’existe pas dans tous les pays du monde. Il faut savoir qu’elle dure un temps limité, qu’il y a plusieurs démarques et diverses variantes de réductions. Si l’on veut acheter quelque chose de moins cher, il vaut mieux suivre des instructions, désignant les démarques du jour comme « les articles marqués d’un point rouge », par exemple.
-comprendre une indication simple
1. -Le docteur est au 2ème étage.
Il faut savoir que dans certains pays le rez -de- chaussée désigne le premier étage et le 2e étage en français peut être considéré par un étranger comme le 3e tout simplement. Ainsi, il faudrait faire attention à ne pas se tromper d’étage, surtout si l’on a un rendez-vous important et on n’a pas le droit de perdre le temps !
-comprendre des instructions simples
1. -Validez votre ticket de bus en montant
Probablement pour un natif de langue il n’y a rien de plus facile à comprendre, mais le fonctionnement des systèmes de transports dans le monde est si différent ! Dans certains pays on valide le ticket à l’intérieur du bus, dans d’autres au contraire à l’extérieur à l’aide d’un composteur ou d’une autre borne ou encore, c’est le chauffeur qui déchire le titre de transport à l’entrée du bus ou un contrôleur qui les vend à l’intérieur. Ainsi donc, en prenant un transport public, il n’est pas souhaitable de s’appuyer sur les connaissances de sa propre culture et son propre expérience du pays d’origine, quitte à payer une amende.
2. -N’oublie pas ton titre de séjour avant de sortir
Etant d’origine russe, cette phrase pourrait me paraître bizarre ! Dans la rue on pourrait « piquer » mon titre de séjour ! Il vaut mieux le laisser chez moi, surtout bien ranger dans une pochette plastique avec d’autres documents, voire même cacher dans un tiroir ! Ainsi donc, on pourrait constater que les personnes étrangères n’ont pas l’habitude implicite des Français d’avoir ses papiers d’identité sur soi, dès qu’ils sortent. Cela peut entraîner quelques problèmes administratifs en cas de contrôle policier.
3. -N’oubliez pas votre carte vitale !
Le phénomène de la carte vitale est typiquement français. C’est une sorte de liaison entre le docteur et la sécurité sociale qui incarne bien « le système bureaucratique » où il faut remplir plusieurs formulaires, avoir différentes cartes et convocations de tout genre.
-comprendre une information chiffrée, comprendre l’heure
1. -Pardon monsieur, vous avez l’heure s’il vous plaît ?
Il va de soi qu’on ne nous demande pas si nous avons une montre. Il s’agit de la question : «Quelle heure est-il ? ». C’est la langue qui recourt à ce genre d’expression populaire pour s’informer à propos de l’heure. Il est vrai que parfois les primo- arrivants prennent cette question au premier degré et peuvent réagir en montrant leur montre, en réfléchissant sur le sens de la phrase.
Pareil pour la question : Vous êtes Madame/Monsieur ? qui sous-entend « Quel est votre nom/prénom ? » Au lieu de dire le nom, les primo-arrivants se précipitent de confirmer leur statut social et disent qu’ils sont bien mariés, donc, effectivement, Monsieur ou Madame.
2.-Bonjour vous êtes bien sur le répondeur d’Anna Roux. Je ne suis pas là pour le moment mais vous pouvez me laisser un message après le signal sonore ou me joindre au 06 96 18 17 74.
On aimerait signaler que la fonction du répondeur des téléphones portables n’existe pas dans certains pays, par exemple, en Russie. Ainsi donc, il faut être prêt psychologiquement et mentalement, c’est-à-dire, savoir bien ce que l’on souhaite dire à un interlocuteur indisponible.
Associez une image à un message entendu :
1. – Mademoiselle ?
Je voudrais un panini au trois fromages et une tartelette aux framboises, s’il vous plaît.
2. – Un chocolat chaud et un Vittel menthe…ça vous fait 6,45 euros.
3. – Messieurs dames, bonsoir. Puis-je vous proposer un apéritif pour commencer ?
Il est vrai que si vous n’avez jamais goûté, bu, vu etc., il est presque impossible de faire cet exercice.
Le commerce, la publicité, des livres consacrés à cette fameuse procédure : on parle même de l’art de prendre l’apéritif (avec la modération bien sûr) ! Comment pourrait-on comprendre ce phénomène culturel, tellement ancré dans la vie des Français si dans le pays d’origine il y a une autre vision sur la consommation des boissons (avant les repas, pendant ou après) ; ou bien il est totalement interdit de boire de l’alcool ! Il va de soi que l’objectif est de ne pas initier les apprenants étrangers à la consommation de l’apéro s’ils ne le veulent pas (chacun fait son choix !), mais plutôt de ne pas laisser s’installer une perception selon laquelle, même ceci est considéré comme quelque chose d’inconcevable et d’inadmissible dans leurs cultures, on donne la chance aux autres d’approuver ou de désapprouver cette vieille habitude française.
Pareil pour les mots « panini, Vittel menthe etc. ». On se souvient qu’en donnant des cours de français en Russie, on est tombée sur ces mots dans un texte sur la cuisine. Les premiers sentiments étaient la panique et la honte car je ne savais pas du tout la signification de ces mots ! Comment expliquer aux étudiants ce que je n’ai jamais vu, ni mangé dans ma vie ? Mais quel plaisir était de découvrir pendant mon premier séjour en France des croissants chauds, des petits pains aux chocolats, des paninis, le diabolo menthe et d’autres. Tous ces mots sont irrévocablement liés à la culture française et à la représentation de la France.
Le travail sur la compréhension orale débouche sur la production orale ce qui constitue un but final, c’est-à-dire devenir un usager de langue indépendant ! Les mises en situations, des jeux des rôles, des reproductions des dialogues entendus, la réalisation de certaines tâches (acheter qch, se renseigner, prendre rdv en réalité) constituent des bases dans l’apprentissage d’une langue étrangère.
Pour la compréhension écrite on propose des exercices qui permettraient : d’identifier la signalétique, de comprendre des instructions simples et des informations de base, des informations chiffrées et de reconnaître la nature et la fonction d’écrits simples. Les documents utilisés dans les exercices sont des documents écrits que l’on rencontre dans la vie quotidienne, donc des documents authentiques. Ceux –ci sont imprégnés de mots à C.C.P.- des mots-valises, des expressions imagées, des comparaisons et des images des héros que les natifs de langues reconnaissent dès premier coup d’œil (des héros des bandes dessinées, des films populaires, des chanteurs ou des acteurs). Ces documents sont pris des domaines suivants :
-domaine public (signalétique, affichage gare, aéroport, bus et métro, petites annonces, publicités, logos, tracts, calendrier, horaires d’ouverture et de fermeture, recette de cuisine, billets de train, tickets de cinéma ou de caisse, étiquettes de magasin- produits, rayons-, écrans de machine automatique- distributeurs de billets, affranchissement de lettre etc.)
-domaine personnel (agenda, message court, ordonnance, emploi du temps, interphone, etc.)
-domaine professionnel (planning, message court, lettre du patron, règlements, offre d’emploi, fax, courriel, etc.)
-domaine éducationnel (message du professeur, mot dans le cahier de correspondance, relevé de notes, emploi du temps, etc.)
La compréhension de ces documents permet l’accomplissement de telle ou telle action, dont le résultat est directement lié à la vie pratique. Par conséquent, il faudrait bien comprendre le message pour atteindre l’objectif ! Ainsi donc, c’est la tache de l’enseignant d’enlever des difficultés de la compréhension qui proviennent souvent de la méconnaissance des faits culturels : raconter pourquoi c’est toujours propre avec Monsieur Propre et qui est Tintin ; expliquer ce que c’est un lieu public et la loi sur le tabac en vigueur ; également, on est sûr que pour certaine catégorie de primo- arrivants « l’espace pour changer le bébé » est une nouvelle notion culturelle, découverte en France.
Ex. Ecoutez et écrivez le numéro du message en dessous de l’image correspondante.
-Eteignez votre cigarette, c’est un lieu public ici !
-L’espace enfant pour changer votre bébé se trouve au fond du couloir, madame !
-Monsieur Propre, tout est propre !
-Voyagez avec Tintin !
Il nous semble très important d’utiliser dans le travail avec le public des primo- arrivants des documents authentiques, tout document réel, tiré de la vie quotidienne, et auquel chacun est confronté régulièrement (publicités, météo, tableaux d’horaires, infos trafic, messages personnels, administratifs ou scolaires…).
Tous les apprenants étrangers sont d’accord sur le fait qu’en France il y a trop de courriers, trop de publicités, trop de formulaires à remplir ! Et c’est une vraie galère avec toutes les abréviations, les sigles et les logos qu’ils abondent (EDF, RSA, SNCF, CGT, ANPE, CAF et beaucoup d’autres). Ces mots désignent les institutions qui, probablement, n’existent pas dans leurs pays et, par conséquent, les apprenants ne comprennent pas leurs fonctions et ne savent pas entreprendre les démarches correspondantes. Parfois, eux-mêmes, ils apportent en cours de français tous les documents à leur disposition qu’ils ne comprennent pas ou comprennent mal : toute sorte de convocations, les formulaires à remplir, les déclarations, des papiers concernant RSA ou Assedic. Ainsi, la formation rencontre la réalité et va répondre aux besoins immédiats des apprenants, tout en prenant soin d’aborder tous les champs possibles.
Les apprenants doivent « manipuler » de véritables documents authentiques comme des emplois du temps, des bulletins de notes, des cartes vitales avec des formulaires de sécurité sociale, des horaires de train, des affiches de film, des programmes de télévision, des étiquettes de médicaments ou de produits comestibles pour les dates de péremption, des factures, des catalogues de supermarché (pour comparer les prix), etc. C’est dans les situations réelles qu’ils doivent savoir repérer le produit le moins cher ou le plus cher ; ou acheter quelque chose ayant une trentaine d’euros dans le porte- monnaie ; ou comprendre la date de péremption des médicaments ou des produits de grande consommation.
La compréhension des questions et des réponses écrites possibles pourra aussi constituer un obstacle pour les personnes peu scolarisées s’ils n’arrivent pas à déchiffrer un message et le comprendre. Le formateur doit donc amener l’apprenant à adopter une stratégie de contournement : il n’est pas nécessaire de comprendre tous les mots d’une phrase ou d’un court document écrit pour en comprendre le sens global.
Production écrite :
Ecrire un message, un texto, un courriel, carte postale de vacances, courriel à l’hôtel, à une association, à un professeur de ses enfants, faire-part et invitations, lettre d’excuse, courriel de réponse, de refus, personnel, etc.
Pour aller plus loin (quelques réflexions du carnet de bord) :
Le nouvel entraînez-vous DELF A1 150 activités CLE International (Richard LESCURE, Emmanuelle GADET, Pauline VEY). Paris 2005.
Compréhension écrite :
1. Observez les documents et retrouvez parmi la liste :
- une petite annonce ; - un ticket de cantine ; - un bon d’achat ; - une carte de visite professionnelle ; - un panneau, un cheque - déjeuner, une carte de crédit, une carte vitale etc.
Ce type d’exercices est basé sur l’aspect pragmatique de l’apprentissage des langues et des cultures. Il incite les apprenants à comprendre l’usage de ces documents authentiques, de les repérer parmi toute la liste proposée et « si la vie le veut bien », savoir les utiliser dans la vie quotidienne. Il faut préciser que certains documents n’existent pas dans leurs pays d’origines, par exemple : la carte vitale, un bon d’achat, une carte de crédit. Ainsi donc, c’est la rencontre avec la réalité française, avec les mots qui portent en eux une énorme couche de mode de vie du pays d’accueil ; les mots qui expriment un certain concept de la vie à la française. Sans compréhension et l’acceptation de cette perception de « la réalité en face », on ne pourrait jamais s’intégrer à la société où l’on habitait.
Vocabulaire pour adolescents (niveau débutants) CLE International 2005 (Nathalie BIE, Philippe SANTINAN).
Ce genre d’exercices relève de véritables connaissances de la culture française et par conséquent, des mots à C.C.P. qui les incarnent de mieux dans la réalité de la vie quotidienne. Ils constituent une grande couche culturelle, implicite pour les natifs et difficilement compréhensible pour les apprenants étrangers. On voudrait ajouter que la charge culturelle des mots est partagée par les locuteurs natifs car ils sont tous appartiennent à cette société. Les apprenants étrangers doivent accéder au sens de ces représentations, ces coutumes, ces expressions et ces associations afin de décoder les implicites à la culture française et de les transformer à des connaissances explicites, acquises et apprises !
Très souvent la charge culturelle partagée des mots évoque la coutume, la tradition, des objets fétiches, liés à des fêtes dans une société. Par exemple (ex. n°1 et 4), la fête de Noël est associée à la dinde aux marrons, au champagne, au foie gras et aux huîtres, etc. Qu’est-ce qui pourrait représenter la France mieux que son champagne, sa baguette et ses croissants ?
L’ex. n°2, n°3, n°6 nous font penser plutôt à des épithètes et des métaphores. En même temps c’est le pragmatisme de la vie et la sagesse humaine qui nous dictent des expressions de ce genre : un billet vert par rapport à un dollar ; un steak bleu en parlant d’un morceau de viande juste cuit, saignant ; on dit « le maillot jaune » s’il s’agit de quelqu’un qui est arrivé le premier en sport. Dans quelles situations on voit « la vie en rose » et on a « des idées noires » ? Comment comprendre des phrases, telles que : il a la grosse tête ou il a le cœur sur la main ? Faudrait –il les interpréter au premier degré ou essayer de trouver le sens caché « entre les lignes » ? Il faudrait admettre que ces expressions sont plus mobiles grâce à leur C.C.P. et non pas à leurs signifiés. Pour comprendre le sens de ces phrases il serait nécessaire de savoir que le cœur sur la main signifie la générosité, la grosse tête fait penser à quelqu’un qui se croit très important. Dans les situations pareilles des locuteurs natifs recourent à ces connaissances implicites en oubliant toutes les autres.
La C.C.P. est un résultat d’une association automatique d’un produit à un lieu géographique chez les natifs de langue, ce que l’on observe dans l’ex. n°5. Quand on parle de Strasbourg, on pense à sa fameuse choucroute ou à ses saucisses ; la moutarde est associée à la ville de Dijon qui est sa spécialité etc.
Des mots à C.C.P. représentent un facteur important de la socialisation et de l’acculturation des apprenants étrangers. C’est un moyen pour pénétrer à l’enceinte de la culture et pour acquérir des compétences socio-langagières qui pourraient faciliter l’intégration du public étranger dans une société d’accueil.
Ex.1. Dites à quelle fête française on doit attribuer les symboles donnés ci-dessous.
Les fêtes : Noel, La Saint- Valentin, La Chandeleur, La Fête Nationale, La Toussaint, L’Epiphanie, Pâques, Carnaval, Le Premier de l’An, Le Premier Avril.
La dinde aux marrons, les cloches, le champagne, le défilé militaire, le Père Noel, le cimetière, les déguisements, la bûche, la galette des Rois, les cotillons, les feux d’artifice, les œufs, les messages d’amour, les huîtres, le chandeleur, le foie gras, les poissons en carton, les bals populaires, les cartes de vœux, les repas de famille, les étrennes, les fleurs, la messe de Minuit, les décorations, les masques, les blagues, les cadeaux, les crêpes, la fève, le sapin de Noel, le chocolat, la couronne, les guirlandes, les chrysanthèmes.
BIBLIOGRAPHIE GENERALE ET SELECTIVE:
1. Abdallah- Pretceille M., L’école face au défi pluraliste, chocs de culture, concepts et enjeux pratiques, Paris, L’Harmattan, 1989. 115 p.
2. Bourdieu P., Ce que parler veut dire, Paris, Fayard, 1982. p.23.
3. Camilleri C., Cohen-Emerique M., Chocs des cultures: concept et enjeux pratiques, Paris, Harmattan. 1989. 350 p.
4. Conseil de l’Europe, Les langues vivantes: apprendre, enseigner, évaluer. Un cadre Européen Commun de Référence. Strasbourg, Conseil de l’Europe, 1998. 271p.
5. Demorgon J., L’exploration interculturelle, pour une pédagogie internationale, Paris, Armand Colin, 1989, 328p.
6. Holec H., L’acquisition de compétence culturelle. Quoi ? Pourquoi ? Comment ? ELA, n° 69.1988. 15 p.
Секция "Лингводидактика". Доклад Пушковой С.Б. (Франция)
Moderator: Irina Tivyaeva
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Re: Секция "Лингводидактика". Доклад Пушковой С.Б. (Франция)
Est-ce que les traditions culturelles et religieuses du public étranger exercent l’influence sur son insertion dans la société française ? Comment tenez-vous compte de ces traditions à vos cours, en particulier, dans des groupes multinationaux ?
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Re: Секция "Лингводидактика". Доклад Пушковой С.Б. (Франция)
Bonjour, merci beaucoup pour votre question. J'espère y répondre. La question portant sur la coexistence des cultures différentes dans une société d'accueil est très pertinente. En effet, il faudrait toujours en tenir compte sans oublier que la culture française est celle qui est visée comme objectif dans l'apprentissage des langues et cultures étrangères.
Depuis toujours la France a accueilli des hommes et des femmes aux origines multiples. Leur venue crée un foisonnement artistique et culturel. Grâce aux immigrés, La France prend des couleurs et a une plus grande ouverture au monde. En classe de langue on essaie de ne pas effacer des origines des apprenants. Au contraire, on y fait références, on les compare en créant des situations ludiques et amusantes servant à la fois à instruire et à apporter une touche de détente aux élèves. Par exemple, on compare des coutumes, des traditions, des fêtes existantes en France et dans les pays concernés. Pareil pour la culture comportementale: on apprend aux étudiants des gestes de la vie quotidienne en France en les comparant avec ceux de leurs pays: payer et voyager dans le transport urbain, classer et ranger des documents, venir chez quelqu'un, faire ses courses, prendre rendez-vous chez le docteur etc...
Il faudrait également prendre en considération le fait que les étudiants primo-arrivants sont très "fragiles" du point de vue psychologique en ce qui concerne leur culture et le mode vie en France (manque de famille, changement de mode de vie, etc). Donc on évite toutes sortes de critiques et on prône pour la tolérance et l'ouverture de l'esprit. Le but est d'apprendre la culture française sans détriment de la sienne.
Cordialement Svetlana POUCHKOVA.
Depuis toujours la France a accueilli des hommes et des femmes aux origines multiples. Leur venue crée un foisonnement artistique et culturel. Grâce aux immigrés, La France prend des couleurs et a une plus grande ouverture au monde. En classe de langue on essaie de ne pas effacer des origines des apprenants. Au contraire, on y fait références, on les compare en créant des situations ludiques et amusantes servant à la fois à instruire et à apporter une touche de détente aux élèves. Par exemple, on compare des coutumes, des traditions, des fêtes existantes en France et dans les pays concernés. Pareil pour la culture comportementale: on apprend aux étudiants des gestes de la vie quotidienne en France en les comparant avec ceux de leurs pays: payer et voyager dans le transport urbain, classer et ranger des documents, venir chez quelqu'un, faire ses courses, prendre rendez-vous chez le docteur etc...
Il faudrait également prendre en considération le fait que les étudiants primo-arrivants sont très "fragiles" du point de vue psychologique en ce qui concerne leur culture et le mode vie en France (manque de famille, changement de mode de vie, etc). Donc on évite toutes sortes de critiques et on prône pour la tolérance et l'ouverture de l'esprit. Le but est d'apprendre la culture française sans détriment de la sienne.
Cordialement Svetlana POUCHKOVA.
Re: Секция "Лингводидактика". Доклад Пушковой С.Б. (Франция)
Merci. Votre approche pédagogique peut vraiment activer l’adaptation psychologique du public étranger et le processus de son insertion dans la société.